« Lettre Imaginaire » -4 Le jeune Paul écrit à…

 

Les chiens sont sages.

Ils descendent dans un coin tranquille et lèchent leurs blessures

et ne rejoignent pas le monde, jusqu’à ce qu’ils soient mieux.

 

Agatha Christie

 

Le chien,

 

J’aurais aimé écrire « Mon chien » et ajouter le nom que je t’aurais donné, le jour où tu serais devenu mon chien.

Parce que des chiens, j’en ai déjà eu plusieurs.

Enfin, ils n’étaient pas vraiment à moi. C’étaient ceux de mon grand-père et de mes parents. Mon frère aîné, lui, n’en veut pas. Il est assez pris avec ses copains. Quant à moi, je suis paraît-il trop jeune pour avoir un chien bien à moi.

Il y a trois ans, mes parents ont ramené Cognac, notre chien, à la SPA. Ils disaient qu’il leur créait plus de soucis qu’autre chose et, surtout, qu’il leur coûtait trop cher, à cause de ses croquettes. C’est pas juste. Car même s’il est vrai qu’au début il a détruit pas mal de trucs – il était trop jeune pour comprendre – il s’était ensuite beaucoup calmé. D’autant qu’à par moi, personne ne s’en occupait, et tout le temps où j’étais à l’école, il restait attaché au bout de sa chaîne, dans la cour. Même les poules étaient plus libres que lui. Au moins, elles n’avaient pas de chaîne.

J’ai eu beau pleurer, crier, bouder… mes parents n’ont rien voulu entendre. Un samedi matin, ils ont pris Cognac avec eux dans la voiture, pour l’emporter à la SPA. Je n’ai pas eu le courage de leur demander de les accompagner. Il faut dire que je n’arrêtais pas de pleurer.

 

Mais après, j’ai eu tellement honte ! J’étais le seul ami de Cognac, et je l’ai laissé partir, sans essayer de lui expliquer.

L’année d’après, c’est Wouhisky, le berger allemand de mon grand-père, qu’on a retrouvé mort au matin. Je sais que je n’ai pas le droit de le dire, mais mon grand-père est alcoolique. Il est saoul, du matin au soir. Au début de sa retraite, il s’occupait avec l’entretien de sa maison et retapait aussi la « Petite maison » qui est juste à côté ; celle où on vit, mes parents, mon frère et moi. Mais très vite, il n’a plus quitté son lit ou son canapé, trop ivre pour faire plus de deux pas d’affilée.

Je pense que c’est à cause de lui que nos chiens portaient tous ces noms bizarres. Le troisième, un cocker, avait été baptisé Champagne.

Je n’ai jamais su pourquoi mon grand-père avait adopté Whisky et Champagne. Ils restaient eux aussi enchaînés, toute la journée, dans une cour encore plus petite. Grand-père ne s’en occupait jamais, sauf pour leur gueuler dessus s’ils avaient le malheur d’aboyer. C’était curieux, on aurait dit que lui aussi aboyait, juste pour montrer qu’il était le plus fort. Et si ça ne suffisait pas, il les battait, à coups de poings, de pieds ou de tout objet qu’il trouvait sous sa main, comme un manche de pelle ou de râteau. Même qu’un jour, Whisky ne s’est pas laissé faire : il a mordu le bras de grand-père. Quand je l’ai su, j’étais content. J’ai d’abord pensé que ça découragerait ce sale bonhomme d’être aussi violent. Sauf que, quand je suis allé pour féliciter Whisky dans sa courette, j’ai vu dans quel état l’autre l’avait laissé.

Il était couché sur le flanc et gémissait. Du sang coulait de plusieurs plaies, sur son museau et sur ses flancs. Personne pour le soigner. Ma grand-mère, que j’aimais bien, et qui je crois était la seule qui m’aimait aussi, n’osait pas s’en mêler, par peur de son mari. Elle ne s’occupait d’ailleurs jamais des chiens. Tout juste leur jetait-elle les restes de nos repas (on mangeait tous réunis dans la « Grande maison », sauf grand-père, qui n’avait jamais faim et toujours soif).

Alors, c’est moi qui ai soigné Whisky. Le matin, avant de partir à l’école, et le soir en rentrant. Tant pis pour mes devoirs. Il y avait urgence. J’ai passé des heures aux côtés de ce pauvre chien. Maman avait accepté de me donner un peu de merchurochrauome et du coton pour sécher les plaies. Whisky me regardait avec ses grands yeux marron, pendant que je le caressais et lui parlais. Il avait l’air de m’interroger, comme pour me demander ce qu’il avait fait de mal, et à quoi il servait, attaché au bout d’une chaîne, à longueur d’années. Lui, le fier descendant des loups, le fidèle berger, capable de comprendre plein de choses en un rien de temps ; prêt à monter la garde et à mettre sa vie en danger s’il le fallait, pour nous protéger ; lui, le bon camarade de jeu pour un petit garçon comme moi ; le plus fidèle des compagnons pour ses maîtres.

Je ne l’ai probablement pas soigné comme il fallait. Moins d’une semaine après s’être fait rouer de coups, je l’ai retrouvé mort devant sa niche. Ses beaux yeux marron étaient fermés pour de bon.

Une fois de plus, je m’en suis tellement voulu. C’est ce matin-là que j’ai décidé d’arrêter de vouloir devenir vétérinaire quand je serai plus grand. Pas après avoir laissé mourir Whisky.

J’ai encore beaucoup pleuré.

Il restait Champagne avec qui je pouvais jouer. C’était un chien très drôle et hyper intelligent. Par exemple, et ça tu ne le croiras peut-être pas, mais c’est pourtant vrai : il savait jouer « aux cow-boys et aux indiens » avec moi !

Pour un Noël, mes parents m’avaient offert une panoplie d’indien, avec une coiffe de plumes et un arc qui tirait des flèches à embouts en caoutchouc. J’avais le droit de détacher Champagne, le temps de jouer, et à condition de ne pas oublier de le rattacher aussitôt après. Eh bien, sans même que je le lui apprenne, il suffisait que je coure derrière lui en poussant des cris d’indien, avec ma main devant ma bouche, puis que j’arme mon arc, que je décoche une flèche dans sa direction… pour qu’aussitôt il se roule sur le dos, les quatre pattes en l’air, sans plus bouger. Il faisait le mort ! C’était trop incroyable. Trop bien aussi : à tous les coups c’était moi, le grand chef apache Cochise, qui gagnait. Même si je ratais ma cible (je le faisais exprès, pour ne pas risquer de blesser Champagne), je sortais vainqueur de tous nos duels.

Autant Whisky m’impressionnait par sa force, sa beauté… on aurait dit un grand seigneur, autant Champagne m’épatait par son intelligence et sa douceur. Avec ses longues oreilles, il me faisait tout le temps rire. Plus tard, j’ai découvert la bande dessinée Boule et Bill. Bill est le portrait craché de Champagne, et aussi intelligent.

Champagne est mort de faim. Un mois après qu’on ait enterré Whisky dans le jardin. Durant tout ce temps, il n’avait rien voulu manger. J’avais beau lui parler, lui apporter des biscuits, ou même des petits morceaux de poulet que j’avais fait discrètement passer de mon assiette à ma serviette pour pouvoir lui donner un peu plus tard, rien n’y faisait. Ses yeux n’étaient plus que tristesse. Whisky était son fidèle ami, son grand-frère, son compagnon de « prison » depuis toujours. Moi, je n’étais qu’un petit garçon, de la famille des méchants humains, juste un camarade de jeu.

J’avais demandé à Maman de pouvoir exceptionnellement l’autoriser à rentrer dans la Petite maison ; qu’il ait le droit de venir dans ma chambre, pour ne pas rester seul et que je puisse le consoler. J’avais bien sûr en tête de le laisser dormir avec moi, sur le lit, mais ça je ne l’ai pas dit à ma mère, car je sais qu’elle aurait hurlé. De toute façon, elle n’a même pas voulu qu’il entre chez nous : « C’est le chien de Pépé, il va s’en occuper. T’as pas à t’mêler de ça. Et puis, qu’on le fasse rentrer ou pas dans la cuisine, ça ne changera rien, sauf qu’il va tout salir ! ».

On a enterré Champagne à côté de Whisky. Cela m’a rassuré pour eux deux, sans pour autant me consoler.

 

Je sais, tu te demandes pourquoi je te raconte tout ça : Cognac, Whisky, Champagne, et ma famille.

C’est parce qu’en te voyant, l’autre jour, tu m’as d’un coup rappelé tous ces malheurs. En rentrant chez moi, après t’avoir laissé suivre ta route, j’ai fondu en larmes. Et je n’ai pas tout de suite compris pourquoi.

Lorsque je t’ai croisé sur ce chemin forestier, près de chez moi, je guettais le chant des merles et des tourterelles. Mais surtout, je rêvais à ce jour prochain où je pourrais moi aussi le parcourir d’un bout à l’autre, comme la plupart des randonneurs qui passent là tout au long de l’année. Je partirais depuis notre petit village de Haute-Loire, et marcherais plus de trois-cent cinquante kilomètres, à travers bois et montagnes, jusque tout en bas, dans les Cévennes, à Saint Jean du Gard. C’est le GR 70. On l’appelle « Le chemin de Stevenson » depuis qu’un célèbre écrivain écossais l’a fait à pied avec un âne, et qu’il a fait de son aventure un livre.

Toi, tu te dirigeais vers le nord. Je ne sais pas d’où tu venais ni quelle distance tu avais parcourue avant qu’on se rencontre. Tu es blanc avec des taches noires, mais, ce jour-là, tu m’es d’abord apparu gris et couvert de taches de boue. Arrivé à ma hauteur, tu t’es arrêté et tu m’as fixé de ton regard. Ce n’était pas un regard doux, comme celui de Champagne, innocent comme celui de Cognac, ni généreux comme celui de Whisky. Plutôt un regard dur et froid, comme le climat de ces premiers jours de mai, avec la neige qui était encore tombée durant la nuit, en même temps que la température, et l’humidité qui, malgré l’heure avancée, continuait de dominer l’air, à nous pénétrer jusqu’aux os.

Moi, j’avais mon anorak pour me protéger, mais toi, tu n’avais rien que tes poils courts et drus et la couche de crasse qui dissimulait presque complétement leur vraie couleur. J’ai tout de suite pensé que tu avais été abandonné ou que tu t’étais perdu ; que tu devais avoir froid, faim et même être épuisé si tu marchais depuis longtemps. Je t’ai parlé doucement et tu as accepté de te laisser caresser, sans que ton regard s’adoucisse pour autant. J’ai bien remarqué que ta queue ne s’agitait pas pour me confirmer que tu comprenais mes bonnes intentions. Puis je me suis rappelé que j’avais emporté des biscuits et qu’il m’en restait, au fond de ma poche. De vieux biscuits pas mal durcis avec le temps, et dont je n’aimais pas trop le goût, ce qui expliquait que je n’ai pas tout mangé. Je t’en ai tendu un.

Prudemment, tu as approché ton museau, tu as reniflé le morceau de biscuit, et tu as détourné la tête. Je n’avais, hélas, rien d’autre à t’offrir. Sur le moment, cela m’a presque rassuré, car je me suis dit que si tu avais eu vraiment faim, tu l’aurais mangé.

Tu as choisi de reprendre ta route. Je t’ai regardé partir. Tu as sans doute senti mon regard posé sur toi car, après une dizaine de mètres, tu t’es arrêté et tu t’es retourné. À nouveau tu m’as fixé de tes yeux sombres. Quelques secondes.

Mais ces secondes ont suffi à me bouleverser. J’ai pensé que tu attendais quelque chose de moi, que je ne comprenais pas. J’ai aussi pensé que si je le découvrais, alors tu resterais ; tu accepterais de me suivre et de devenir mon nouveau compagnon. J’ai encore pensé que nous pourrions nous aider l’un l’autre, nous apprivoiser, nous aimer.

Mais je n’ai pas compris ce que toi tu espérais, et, aujourd’hui, je ne suis même plus certain que tu espérais quoi que ce soit. Je me suis sans doute fait des idées, à force de trop penser. Tu as repris ta route, le GR 70, vers le nord, dans la boue, le froid et l’humidité. Le pas sûr, regardant droit devant, comme un vrai randonneur.

Je suis resté avec ma tristesse et ma solitude. Repensant à la façon dont je n’avais pas su dire au revoir à Cognac, pas su soigner Whisky, pas su consoler Champagne et, maintenant, pas su comprendre ton regard.

Je ne regrette plus trop, aujourd’hui, que tu ne sois pas venu à la « Grande » ou à la « Petite » maison. Tu n’y aurais pas été heureux. Maintenant, tu sais pourquoi. J’espère juste que tu auras trouvé ce que tu cherchais.

J’ai demandé à Papa de m’acheter une carte du GR 70. Je l’étudie tous les jours, dans les moindres détails. À la documentation de l’école, j’ai emprunté « Voyage en Cévennes avec un âne », le livre de Robert-Louis Stevenson, et j’ai déjà commencé à le lire. Je vais devoir être patient, mais le premier rêve que je veux accomplir, c’est marcher jusqu’à St Jean du Gard et revenir. Dans ce rêve, tu es présent : je croise à nouveau ta route et nous faisons le reste du chemin ensemble, le temps pour moi de mieux te connaître.

J’ai observé que certains randonneurs avaient l’habitude de former des petits monticules de pierres au bord du chemin. Ils y laissent une prière, avec l’espoir qu’elle sera ainsi exaucée. Parfois une image, ou un simple mot.

Moi, c’est cette lettre que je laisse à ton attention. Sous le petit tas de pierres que j’ai assemblées pile là où l’on s’est croisé. Je l’ai glissée dans une pochette plastique, pour que la pluie ou la neige ne l’abîment pas. Je saurai la retrouver, le jour venu, si tu veux que je te la lise.

Allez, le chien : Ultreïa ! *

 

Paul

 

 

* Salut que se lancent les randonneurs pour s’encourager ; signifie « Plus loin et plus haut ».

La semaine prochaine, Nicolas Pichon écrit à celui dont plusieurs monuments rayonnent dans le monde entier...

Publié le 03/04/2022
L'Arme et le monde

L’actuel conflit russo-ukrainien alimente, à juste titre, bien des conversations, en plus de nourrir les journaux en continu qui n’ont, eux, hélas, que rarement des informations intéressantes à en donner. Mais la vie est belle pour eux : après le Covid (toujours tapi dans l’ombre), l’Ukraine et, désormais, les présidentielles.

Ce qui se passe dans le nord de l’Europe pose pourtant une question qui, bien que d’importance, semble échapper à tous les débats.

Il s’agit de celle des armes nucléaires.

 

Rappelons-nous, la première motivation avancée pour l’emploi de telles armes était de maintenir la paix dans le monde en menaçant de « vaporiser » tout pays qui ne respecterait pas les règles de droit international et entrerait de fait illégitimement en guerre contre une nation souveraine. La destruction massive générée par l’arme nucléaire était présentée comme le moyen de mettre très rapidement fin à un tel conflit et de limiter ainsi les pertes humaines du côté du pays agressé.

 

La géopolitique et l’ordre mondial qui en a découlé, divisant le monde en blocs de pays alliés face à des blocs antagonistes, a entraîné une seconde phase dans l’emploi du nucléaire militaire : celle d’une prolifération, plus ou moins contrôlée. Plusieurs pays, répartis sur les continents américain, européen et asiatique, se sont ainsi dotés de l’Arme. Leur objectif était une fois de plus très « humaniste », puisqu’il s’agissait d’éviter qu’une seule puissance disposant de ces terribles engins puisse imposer sa suprématie au reste du monde.

 

De fil en aiguille, ce qui devait arriver est arrivé ! L’arme nucléaire n’est plus une menace envers un potentiel pays belligérant, mais bel et bien une menace pour toute la planète ! Non seulement, aucun dirigeant n’oserait stopper le conflit en Ukraine en projetant des missiles nucléaires sur la Russie, par crainte des représailles immédiates à l’échelon mondial, mais il est en plus impossible d’aider l’Ukraine à se défendre, par des moyens plus appropriés, de crainte que cela n’incite Poutine à appuyer le premier sur le bouton.

 

Que reste-t-il, dès lors, des arguments invoqués pour la conservation de telles armes ? L’Ukraine est la preuve vivante (pour espérons-le encore quelque temps) de leur inutilité. Ne subsiste que leur dangerosité potentielle.

Qui n’a pas tremblé à l’idée qu’un Kim Jong-Un ne se contente plus de faire des « essais » dans sa région ? Que penser d’un Poutine dont les « experts » occidentaux tentent de nous persuader de la fragile santé mentale ? Combien de citoyens à travers le monde ont fait des cauchemars à l’idée qu’un Trump dispose d’un tel pouvoir ? Et, d’une manière générale, lorsqu’il s’agit justement d’évaluer l’équilibre mental de la plupart des dirigeants de cette planète, on ne peut que frémir d’effroi à l’idée de l’usage qu’ils pourraient faire de leur autorité. Frémissements qui vont de pair avec le délitement généralisé de la forme démocratique au profit des directivismes omnipotents.

 

Me revient à l’esprit cette rumeur qui a couru à propos d’une célébrité qui, après avoir collectionné les amants, a réussi à épouser un président. Selon le ragot, la fraîchement promue Première Dame aurait confié à son entourage avoir depuis longtemps fantasmé s’unir à un homme capable « d’appuyer sur le bouton ». Cette rumeur, invérifiable, n’était sans doute qu’une tentative de diffamation. Mais son fondement est issu d’un inconscient collectif construit sur la peur. La peur commune de voir certains actes dépasser toute limite, échapper à tout contrôle et autoriser ce pour quoi de telles armes ont été créées : une destruction massive, mais cette fois généralisée à la planète.

Des hommes jouent aujourd’hui avec cette peur. Et, avant même de passer à l’acte, nul doute qu'ils s'avèrent déjà coupables de crime moral contre l’humanité.   

Publié le 01/04/2022
Chronique…… scatologique

Oui, une fois n’est pas coutume, il s’agira aujourd’hui de « caca-boudin » et autres « bronzes » médaillés.

Après tout, déféquer n’est-il pas un geste aussi naturel que respirer ? Pourtant, dans notre inconscient collectif, alors que le second est fortement recommandé, on pourrait penser que le premier est… interdit (gare à l’occlusion intestinale), et en tout cas tabou.

 

La nature nous rappelle heureusement comme ce geste est non seulement indispensable, mais peut aussi s’avérer précieux.

Ceux qui ont lu Le trésor des pandas géants (Ed. Actes Sud) se rappelleront que ledit trésor se révèle être les propres crottes de notre cher ursidé dont les couleurs s’harmonisent au Yin-Yang (l’ursidé, pas les crottes). Constituées de fibres végétales parfaitement malaxées, les crottes du panda ont contribué en Chine à la fabrication d’un papier d’excellente qualité, totalement naturel (et, je vous rassure, inodore).

Il n’est donc pas surprenant que les excréments d’autres animaux jouent un rôle important dans les cycles naturels. Nous le savions déjà pour les gros mammifères (comme les éléphants…) qui aident ainsi à la diffusion de graines, fruits et plantes, à travers forêts et savanes. Tout récemment, une équipe internationale de scientifiques a découvert que les hippopotames n’étaient pas en reste !

 

Nos gros herbivores ont en effet pris l’habitude de déféquer dans l’eau des lacs et des rivières où ils passent une grande partie de leur temps (on pourrait parier qu’ils font aussi « pipi dans leur piscine », mais tant qu’il s’agit de leur piscine…). Et comme ils consomment d’énormes quantités d’herbes et de plantes, souvent très riches en silicium, ce sont des centaines de kilos de silicium qui se déversent ainsi dans les rivières chaque jour. Selon les analyses des scientifiques, plus de 75% du silicium transporté par certains cours d’eau provient… du caca des hippopotames !

 

Et la bonne nouvelle est que ce silicium est indispensable à la bonne santé des écosystèmes aquatiques africains. Les microalgues présentes dans l’eau sont en partie composées de silicium. Elles produisent de l’oxygène et servent de nourriture de base à nombre d’espèces vivantes. Que ces microalgues disparaissent et tout l’écosystème serait menacé, impactant gravement faune, flore et humains.

Mais il y a aussi… la mauvaise nouvelle ! Alors que les hippopotames sont déjà listés Espèce vulnérable par la très sérieuse UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), certains dirigeants africains n’hésitent pas à envisager des campagnes d’abattage, prétextant une nécessaire gestion de leur population. C’était encore le cas, en 2019, avec la Zambie qui annonçait un programme d’abattage de… 2 000 hippopotames sur son seul territoire !

(Rappelons qu’on ne compte plus que 130 000 spécimens en liberté à ce jour !)

 

Des ONG ont dénoncé les « fausses bonnes » raisons des ministères impliqués. En réalité, leur motivation est purement spéculative, et n’a rien à voir avec l’écologie. Vendus sous forme de trophées, et à l’occasion de safaris pour chasseurs fortunés, nos pauvres hippos peuvent rapporter plusieurs millions d’euros ! Une agence sud-africaine propose même un package à 13 000€ donnant droit d’abattre 5 hippopotames par client ! Que du bonheur !

 

Dans Le trésor des pandas géants, Mr Wei a construit sa fortune en faisant commerce de bambou. Agacé de voir les pandas consommer la matière première dont il a tant besoin, et représenter une menace lors des ramassages en forêt, il décide de recruter des chasseurs pour abattre les pandas. Ceux-ci se paieront avec les fourrures. Mais son jeune fils, Chun, reste convaincu que ce n’est une bonne solution. Les pandas étaient là bien longtemps avant eux, et on n’a pas le droit de les tuer. Seulement, Chun doit respect et obéissance à son père.

 

 

Pour résoudre ce dilemme, il lui faut donc trouver une idée qui sauvera à la fois les pandas et… la face de Mr Wei ! Lorsque le principal client de celui-ci, fabricant de papier pour la cour impériale, accompagne Chun dans la forêt et glisse sur une crotte de panda la solution apparaît, aussi brutalement que la chute du pauvre homme. La texture parfaite des excréments devrait lui fournir la base pour cette recette qu’il s’évertue à inventer depuis des années, afin de fabriquer le plus beau papier qui soit ! Bien sûr, il est prêt à payer une fortune à Mr Wei si celui-ci peut lui garantir un approvisionnement régulier en… crottes de pandas !

Une conclusion heureuse, avec un contrat « gagnant-gagnant », y compris pour les pandas !

Il ne s'agit toutefois que d'un roman.

 

Pourtant, cette histoire colle étrangement avec celle des hippopotames aujourd’hui.

Plutôt que calculer ce que la chasse peut leur rapporter, les gouvernants africains impliqués devraient évaluer ce que la disparition des hippopotames pourrait leur coûter. Bien sûr, il s’agit de peser le profit à court terme en regard du déficit à moyen ou long terme. Et notre actualité, qui est tout sauf romanesque, nous enseigne que les politiques n’ont aucune patience, et ont tous appris à sacrifier l’avenir pour mieux profiter du présent.

À quand les cours de littérature et d’humanisme à l’ENA ?

Publié le 30/03/2022
« Lettre Imaginaire » -3 Loretta Ricci écrit à Marco Polo

Après le Facteur Cheval, (chronique du 14/03) et Louis Pasteur (21/03), c’est au tour de Marco Polo de recevoir sa Lettre Imaginaire.

 

Vous ne pouvez pas changer votre futur,

mais vous pouvez changer vos habitudes

et celles-ci changeront votre futur.

Marco Polo

 

Monsieur Marco Polo,

 

Pour moi, vous êtes le plus grand explorateur de tous les temps !

Je viens de terminer la lecture de votre « Livre des merveilles ». Vous l’avez aussi intitulé « Le devisement du monde », mais je ne comprends pas ce que cela veut dire, et mes parents non plus. Je devrais trouver l’explication au collège.

En tout cas, je rêve de pouvoir, plus tard, voyager aussi loin et aussi longtemps que vous l’avez fait. J’imagine que beaucoup de choses ont changé depuis, dans tous ces pays que vous avez traversés en compagnie de votre père et de votre oncle. Mais ce serait quand même une formidable aventure.

Je n’ai pas bien réussi à calculer la distance que vous avez parcourue. Je me suis pourtant servi de cartes afin d’y repérer toutes les villes et les ports où vous vous êtes arrêtés. La partie terrestre que vous avez couverte est plus impressionnante que je ne le pensais. Je croyais, à tort, que vous aviez surtout navigué ; comme plus tard Christophe Colomb, Vasco de Gama ou Magellan que j’admire aussi beaucoup. Mais ce qui est sûr, c’est que vous êtes parti de chez vous pendant vingt-quatre ans ! Et comme vous aviez dix-sept ans en quittant Venise, vous en aviez quarante et un à votre retour. Cela paraît incroyable. Plus personne ne part aussi longtemps, même les cosmonautes qui vont dans l’espace. Et personne n’a dû vous reconnaître lorsque vous êtes rentré.

Je comprends que ce temps vous était nécessaire pour découvrir les merveilles que vous décrivez. Surtout que vous pouviez décider de prendre la direction de votre choix, et même revenir sur vos pas si vous aviez manqué un endroit intéressant. Ainsi, vous avez pu rencontrer plein de gens et faire du commerce avec eux puisque, après tout, vous étiez venu pour ça.

L’année dernière, j’ai accompagné mes parents pour visiter l’Italie (Papa est né en Italie du Nord, comme vous). Mais c’était très différent. Tout avait été organisé par une agence. On est restés deux jours ici, puis deux jours-là, sans jamais avoir le temps d’explorer les coins les plus intéressants. Par exemple, on est passés à Rome, en ne voyant le Colisée que de l’extérieur. J’aurais tellement voulu y entrer, pour imaginer les arènes avec les gladiateurs, les lions, les pains qu’on jetait à la foule. Pareil à Naples : impossible d’aller sur le Vésuve ou à Pompéi, alors que j’aurais adoré. On a passé notre temps à faire nos valises, rouler et aussi chercher des restaurants !

Si je réussis plus tard à voyager, je suivrai votre exemple : je prendrai tout mon temps. D’autant que, moi aussi, je veux aller en Chine. J’en ai toujours eu envie. Tout a l’air si différent, là-bas. Sans compter que je raffole de la cuisine chinoise. Les gens font du kung-fu en haut des montagnes sacrées, et les forêts de bambous sont pleines de pandas géants. J’ai remarqué que vous n’en parliez pas dans votre livre. Pourtant, cela devait déjà exister à l’époque ?

Mais rassurez-vous, j’ai tout aimé de vos aventures. La fois où vous avez refusé de monter à bord des petits navires arabes qui vous auraient fait gagner beaucoup de temps. Ils étaient construits avec des bouts de ficelle et des clous en bois ! Sûr qu’ils auraient coulé à la moindre tempête. Du coup, vous avez fait des milliers de kilomètres supplémentaires, en ne traversant que des déserts et des hautes montagnes. J’ai vu des images des caravaniers sur cette merveilleuse route de la soie ; avec leurs chameaux et toutes les richesses qu’ils transportaient, et aussi les soldats pour les protéger des voleurs. J’ai aimé quand vous racontez ces voix que l’on entend dans le désert : ceux qui les écoutent sont entraînés dans la mauvaise direction, si loin qu’ils finissent par se perdre et mourir. Cela m’a rappelé les mésaventures d’Ulysse avec les Sirènes, dans l’Odyssée.

Vous avez passé le pays des rois mages, et vu le château des adorateurs du feu. Grâce à vous, j’ai compris l’histoire des cadeaux offerts à l’enfant Jésus : l’or, au cas où il aurait été roi, la myrrhe s’il était médecin, et l’encens s’il était un dieu. Après l’avoir vu, ils lui ont donné les trois ! Et en échange, ils ont reçu une boîte contenant le feu divin.

Vous avez vu des animaux incroyables. Des zébus avec leur drôle de bosse, des moutons gros comme des ânes, des porcs-épics capables, en agitant leur queue, de lancer leurs longues épines à distance et ainsi blesser ceux qui les attaquent ; des grues blanches et des grues noires ; des yaks couverts de leur longue fourrure foncée, hauts de deux mètres et longs de trois ; des chevrotains à grandes dents, ceux qui produisent le musc, dont on se sert pour faire des parfums et des médicaments ; ou encore les unicornes du beau pays de Myanmar.

Comme vos parents faisaient le commerce de bijoux, vous avez approché les mines de jade, de rubis et d’émeraudes, et celles d’où l’on tire ces magnifiques pierres que je ne connaissais pas : les lapis lazuli, bleues, parfois vertes, parsemées de paillettes d’or. Dans ces pays, même les vêtements sont cousus de soie et d’or.

À propos de vêtements, j’ai pas mal épaté mon père, quand je lui ai parlé de l’étrange tissu fabriqué par les habitants que vous avez croisés au sud de la Mongolie. Une étoffe fort précieuse selon vous, obtenue à partir d’une pierre extraite dans les montagnes. Une fois lavée de la terre qui l’enveloppe, puis séchée, la pierre se transforme en fibres que l’on peut étirer comme des fils de laine ou de coton. Mais le plus incroyable, c’est que si on jette le tissu ainsi fabriqué dans le feu, non seulement il ne brûle pas, mais en plus il devient tout blanc et propre, autant de fois qu’on le désire ! Papa travaille dans le bâtiment et il m’a expliqué qu’il s’agissait sans doute d’amiante. Selon lui, on trouvait encore des vêtements tissés en amiante au vingtième siècle, en Espagne. Les gens les appréciaient pour leur parfaite blancheur. Jusqu’à ce qu’ils découvrent que c’était très dangereux, car l’amiante est un poison pour nous ! J’espère que vous n’en aviez pas acheté.

Vous avez rencontré des savants, des marchands, des artisans, des seigneurs ; vous avez vu les fanatiques de la secte des Assassins, des Musulmans, des Bouddhistes, des Zoroastriens, des Chrétiens, ainsi que des sorciers chamans ; en Asie centrale, vous avez approché les grandes tribus nomades, éleveuses de chevaux « ailés », de chameaux et d’aigles chasseurs… Puis d’autres en Mongolie et en Chine, et avez été présenté à leur chef suprême, Kubilaï Khan, empereur de Chine, et petit-fils du terrible Gengis Khan. Il vous a accueilli dans son palais d’été, aux murs de marbre ornés de peintures dorées. Puis, vous l’avez suivi jusque dans la ville impériale, Pékin, qui s’appelait alors Khanbalik, la ville du Khan. Là, un autre palais, à la toiture plaquée d’or et d’argent, où il vous a reçu à plusieurs reprises. Il fallait que ce soit une belle rencontre, pour que vous séjourniez dix-sept ans en Chine, en effectuant de nombreuses missions à son service, y compris celle d’escorter une princesse jusqu’en Perse, sur votre chemin de retour vers Venise.

Qui, désormais, accomplit encore de telles choses ? Pourquoi cela semble-t-il plus difficile de nos jours qu’à votre époque ?

J’ai découvert que votre récit, une fois publié, a inspiré de grands voyageurs, dont Christophe Colomb. Leur désir de poursuivre vos aventures, je le partage aujourd’hui, même si je suis encore trop jeune pour entreprendre un si long périple.

 

Je vais profiter de ce temps pour découvrir d’autres carnets de voyage, à commencer par ceux d’une grande dame : Alexandra David-Neel. En plus d’être une féministe et une exploratrice intrépide, elle s’exerçait à l’écriture, au chant, au journalisme… Elle avait tant à accomplir, qu’elle a vécu jusqu’à 101 ans ! Preuve, s’il en fallait, que les femmes aussi savent être exceptionnelles.

 

Elle, c’est en lisant Jules Verne, qu’elle a choisi sa vie.

Alors, moi aussi je réaliserai mon rêve, et je deviendrai à mon tour une femme exceptionnelle !

 

Avec mes sentiments admiratifs et dévoués,

Loretta Ricci

 

 

Attention : le destinataire de la semaine prochaine a 4 pattes et est couvert de poils !!??  

 

Publié le 27/03/2022
Bonjour tristesse, and God bless America

Lorsque je lis les rapports de L214 sur la maltraitance animale en France, il y a de quoi être bouleversé par la complicité, considérable, des services vétérinaires sans laquelle nombre des horreurs commises seraient impossibles.

Il s’agit, une fois encore, de l’importante question de ceux qui détiennent le pouvoir et la légitimité publique, et de la façon dont ils s’en servent ou au service de qui ils s’en servent.

 

Les « représentants de l’ordre » (quel que soit cet ordre) peuvent-ils ou non accomplir les plus basse besognes lorsque celles-ci servent des intérêts privés plutôt que publics, des minorités plutôt que l’humanité ? Si la question se pose, c’est que les exemples ne manquent pas dans notre propre histoire.

Mais la chronique d’aujourd’hui concerne les États-Unis.

 

Cet immense pays a la chance (mais aussi la responsabilité devant le monde entier) de posséder d’immenses terres sauvages, des réserves, des parcs nationaux… Les terres « libres » (sauvages) fondent pourtant comme neige au soleil, du fait de l’expansion des activités humaines. Aussi, l'idée de créer des Parcs nationaux protégés s’est imposée. Avec un objectif : celui de sauvegarder au mieux la flore et la faune sauvages vivant sur les territoires désignés.

Des « représentants de l’ordre » ont été nommés pour garantir cet objectif. Missions d’information, de formation, de surveillance, d’intervention et d’interpellation en cas de violation des règles de protection. Dans de nombreux pays, ils portent le nom de Rangers. À l’instar des vétérinaires, le public leur est en général reconnaissant et respectueux pour l’aide qu’ils apportent à la faune (dans leur cas, exclusivement sauvage).

 

Aux États-Unis, ces unités sont regroupées sous le nom de Wildlife Services, et placées sous la responsabilité du département de l'Agriculture (à la façon chez nous des garde-forestiers, de l’ONF).

Mais, au fil du temps, les missions menées par les officiers des Wildlife Services ont beaucoup dévié de leur objectif initial, pour finir par se dévoyer complètement. Les rangers ne travaillent plus à la protection de la nature, mais bien davantage pour les éleveurs privés, les aéroports, les sociétés de transport et de tourisme. Tous ceux qui veulent encore empiéter sur les maigres territoires accordés à la faune sauvage, s’empiffrer des miettes qui lui ont été laissées.

 

La preuve en chiffres ? La voici : 1.75 millions d’animaux sauvages ont été abattus par les gardes des Wildlife Services au cours de la seule année dernière !

Cela représente 4 800 animaux tués… chaque jour !

 

Une tuerie organisée à grande échelle, avec la bénédiction du département de l’Agriculture (et pour cause). En plus de l’éternel argument (préféré des chasseurs) de l’indispensable gestion de « l’équilibre des espèces », cette boucherie aurait également une visée sanitaire pour le public (c’est l’information qui lui est d’ailleurs donnée, et dont il semble se satisfaire)

L’ennui, c’est que si l’on trouve parmi les espèces particulièrement visées, certaines parfois envahissantes comme les porcs sauvages ou les ragondins, on découvre que parmi les victimes de cet énorme tableau de chasse figurent par milliers des hiboux, des tortues, des tatous, des porcs-épics des colombes et, pour les plus gros spécimens : ours noirs, loutres, renards, loups gris… sans compter les serpents, les coyotes, les cormorans, les alligators…

Alors même que les Wildlife Services affirment sans sourciller vouloir « protéger les écosystèmes », il est clair que l’effacement programmé ou même simplement la diminution de plusieurs des espèces visées ne pourra qu’à moyen et long terme déséquilibrer voire entraîner la disparition de ces mêmes écosystèmes.

 

Les États-Unis ont pourtant, dans leur histoire récente, la marque indélébile de leur monstrueuse gestion des réserves… celles où avaient été parqués les peuples autochtones dont l’effacement a lui aussi été programmé et organisé au service d’intérêts privés et grâce à une indifférence générale.

En ce temps-là, les « représentants de l’ordre » ne portaient pas des tuniques vertes, mais bleues. Mais qu’importent les couleurs pour ceux qui ne voient le monde qu’en mode monochrome.

Publié le 27/03/2022
« Lettre Imaginaire » -2 Mamadou écrit à Pasteur

Voici, comme promis, la deuxième des lettres (écrite en plein cœur de la « crise » Covid) qui constitueront peut-être un jour le recueil des Lettres Imaginaires. Si vous n’avez pas lu la première, celle que la jeune Anne Bonnet adresse au Facteur Cheval, il n’est pas trop tard. Elle figure un peu plus bas (chronique du 14/03) et la présentation du projet apparaît dans la rubrique encore précédente (toujours du 14/03).

 

 

Le meilleur médecin est la nature :

elle guérit les trois quarts des maladies

et ne dit jamais de mal de ses confrères.

Louis Pasteur

 

Monsieur le docteur Pasteur,

 

Papa m’a aidé à trouver votre adresse à Paris, rue du Docteur Roux, et j’ai ajouté votre nom sur l’enveloppe. J’espère que quelqu’un voudra bien vous donner ma lettre, car c’est important.

 

J’ai lu dans un livre, à l’école, que vous aviez sauvé des tas de gens contre les épidémies et même contre des chiens ou des renards qui les mordaient. Alors, je sais que vous êtes vieux et sûrement à la retraite, mais c’est vraiment important que vous veniez aider les autres savants à cause d’une nouvelle épidémie. Elle s’appelle « le coronavirus ». Mais vous êtes forcément au courant, vu qu’ils ne parlent plus que de ça à la télé et partout.

Il y a plein de gens qui meurent et d’autres qui restent enfermés chez eux. C’est le cas de mon pépé et de ma mémé. Je n’ai plus le droit d’aller les voir. Et je sais qu’ils sont tout seuls. Ce sont des personnes très gentilles, il faut que vous les aidiez en inventant un nouveau médicament. À la télé, ils disent un vaccin, mais c’est pareil. Seulement, ils disent aussi que ça va être long avant que le vaccin il fonctionne. Il ne faut pas que ce soit trop tard, sinon Pépé et Mémé risquent de mourir.

 

Avant, tous les dimanches, on allait chez eux, avec mes parents et ma sœur Aya. Je faisais une partie de dames avec Pépé. Il est plus fort que moi, mais je sais bien que des fois il me laissait gagner exprès.

Chaque mercredi après-midi, il me lisait un passage du Coran et après on devait en parler ensemble, pour voir si j’avais bien compris. Cela me plaisait moins que nos parties de dames, mais maintenant ça me manque. Il dit qu’il faut être gentil avec tout le monde et traiter les gens comme notre propre famille. Mémé, elle, a la manie de me serrer contre elle et des fois j’étouffe, et puis elle me décoiffe tout le temps avec sa main. Pareil, je croyais que j’aimais pas ça, mais aujourd’hui je voudrais qu’elle me serre encore fort contre elle. Seulement, on n’a pas le droit. Il paraît même qu’on peut aller en prison.

 

Et puis, il y a les masques. Au début, j’ai trouvé ça rigolo. J’ai demandé à maman de m’en coudre un en noir, comme celui de Zorro, sauf qu’au lieu de cacher les yeux, il cache ma bouche et mon nez. J’aurais voulu me battre à l’épée contre le virus. L’ennui, c’est qu’il est trop petit. On ne peut pas le voir, sauf au microscope, et je n’en ai pas. Et je n’ai pas non plus d’épée.

Maintenant, ce n’est plus drôle. Tout le monde a un masque. Je trouve que ça fait peur. Plus personne ne sourit et les gens ont des regards bizarres. Je crois que j’ai peur et que tout le monde a peur. C’est pour ça qu’on ne parle plus que de cette épidémie partout.

 

Je sais que le virus est beaucoup plus petit qu’un chien ou un renard, mais vous avez des microscopes, et tout le monde dit que vous êtes un savant très intelligent. Alors, je vous en supplie, arrêtez votre retraite, s’il vous plaît, et venez nous aider. Vous pourrez bien vous reposer après que vous aurez trouvé le nouveau médicament.

D’ailleurs, ce serait bien que ce ne soit pas des piqûres, comme ils montrent à la télé. Les piqûres, ça fait mal, et je n’aime pas ça. Ce serait mieux un médicament à boire. J’aime beaucoup le goût anis ou citron. Comme ça, si vous inventez un vaccin à l’anis ou au citron, je saurai que vous avez lu ma lettre.

 

Merci monsieur le docteur Pasteur, au nom de toute ma famille, et que Dieu vous protège.

 

Mamadou

 

Rendez-vous la semaine prochaine avec la Lettre imaginaire de la jeune Loretta Ricci à... Marco Polo  

Publié le 21/03/2022
Bon... 500ème anniversaire !

« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage ».

 

Ce célèbre vers est extrait du recueil "Les Regrets" paru en 1558.

Son auteur, Joachim du Bellay, avait alors 36 ans.

 

Le grand poète est, avec Molière, mis à l'honneur lors de l'actuelle Semaine de la langue française et de la francophonie.

Une bonne raison à cela ? Ils sont nés tous les deux en 1522, il y a très exactement 500 ans !

Mais ces cinq siècles ne sont qu'une broutille sur l'échelle du temps, pour nos deux auteurs à jamais inscrits au panthéon des Immortels de la littérature française.   

Publié le 20/03/2022
Erratum

Dans ma rubrique du 28 février dernier, je mentionnais Poutine et surtout Tolstoï pour son phénoménal roman : « Xxxxxx (Mot interdit par la censure russe) et Paix ».

Il aurait en fait fallu citer cette œuvre sous son nouveau nom : Opération militaire spéciale et Paix.

 

Et s’il devait m’arriver d’évoquer les ouvrages de Dalton Trumbo, ce sera pour parler de Johnny s'en va-t-en opération militaire  spéciale ; Albert Londres et… La grande opération militaire spéciale ;  Les Carnets d’Opération militaire spéciale de Louis Barthas ou ceux d’Ernst Jünger. Sans oublier les fameux Commentaires sur l'opération militaire spéciale des Gaules de Jules César, si chère aux latinistes.

Sait-on jamais ?  

Publié le 16/03/2022

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